© Stone

 

 

La sexualité expliquée aux enfants

 

D’un côté, des enfants qui veulent comprendre. De l’autre, des parents qui cherchent leurs mots et s’interrogent sur l’attitude à adopter. Douze questions et leur réponse, avec Edwige Antier, pédiatre, Anne Bacus, psychologue, Christiane Olivier, psychanalyste, et Stéphane Clerget, pédopsychiatre.

 

 

 

ers 3 ans. A cet âge-là, les différences entre leur corps et celui de l’autre attirent toute leur attention. Ils s’observent mutuellement, cherchent à surprendre la nudité de leurs parents et posent des questions comme : « Pourquoi les filles font pas pipi debout ? », « Pourquoi maman a des seins ? », « Pourquoi papa a un grand zizi ? » C’est à la même époque que filles et garçons découvrent la masturbation volontaire.

 

 

 

 

Quel est le rôle des parents en matière d’éducation sexuelle ?
Ils ont un rôle majeur d’information et de prévention. En effet, c’est dans ses toutes premières années que l’enfant pose les bases de son avenir affectif et sexuel. Répondre sans honte ni gêne à ses questions, réagir sereinement à ses agissements ou expliquer clairement l’interdit de l’inceste par exemple, permet de lui transmettre une image saine de la sexualité et d’instaurer un climat de confiance entre parents et enfants. Ne rien dire, ne pas répondre, revient à établir un malaise, une gêne réciproque qui peuvent faire obstacle, plus tard, à une vie sexuelle épanouie.

 

 

 

Faut-il répondre à toutes leurs questions ?
Eluder une question n’est pas une bonne politique, dans le sens où l’enfant cherchera toujours à satisfaire sa curiosité ailleurs. Mieux vaut donc répondre plutôt que de laisser la télévision, un adulte peu scrupuleux ou la cour de récréation s’en charger. Il arrive aussi que certains petits posent toujours la même question. Aux parents, dans ce cas, de vérifier que les informations qu’ils ont fournies précédemment ont bien été comprises.

 

 

 

 

Qui doit expliquer ? Le père ou la mère ?
L’idéal serait que ce soit le parent du même sexe que l’enfant qui engage la conversation sur le sujet. Les mères peuvent en effet avoir du mal à parler de sexualité masculine à leur garçon alors qu’elles seront, en toute connaissance de cause, plus à l’aise avec leur fille. Cependant, les enfants ont souvent besoin des deux sources d’explications pour satisfaire pleinement leur curiosité. A chacun alors de répondre avec ce qu’il est et ce qu’il veut transmettre.

 

 

 

Que dire à une petite fille qui s’inquiète de ne pas avoir de pénis ?
Le fait d’être dépourvue de pénis suscite une grande inquiétude chez la petite fille de 2 ou 3 ans. Les parents peuvent alors la rassurer en lui expliquant que son sexe à elle est placé à l’intérieur de son ventre. C’est aussi l’occasion de souligner que le sexe ne sert pas seulement à faire pipi, mais qu’il abrite également un "trou" qui permet de faire entrer la petite graine et de faire sortir le bébé. Inutile d’aller plus avant à ce stade.

 

 

 

 

Comment rassurer le petit garçon qui s’interroge sur la taille et le sort de son pénis ?
Vers l’âge de 3 ans, les garçons se demandent souvent si leur sexe ne va pas "s’envoler". Face à cette angoisse de castration, les parents peuvent expliquer qu’un sexe ne s’envole pas, qu’il est attaché au corps. Quant au petit garçon qui s’inquiète de la taille de son sexe, pourquoi ne pas lui dire qu’il grandira au fil des années et que sa taille diffère toujours d’une personne à l’autre, sans que cela soit pour autant mieux ou moins bien ? Les petits garçons se demandent souvent aussi pourquoi les petites filles n’ont pas de "zizi". On pourra leur répondre qu’elles ont un sexe à l’intérieur de leur ventre.

 

 

 

Comment leur parler de la conception ?
C’est vers 4 ans que les enfants veulent savoir par où rentrent et sortent les bébés. Mais à cet âge, c’est l’origine de leur existence plus que le rapport sexuel qui les intrigue. Les parents doivent donc commencer à leur parler d’anatomie, mais aussi d’amour. Ils peuvent répondre que lorsque deux adultes s’aiment fort et souhaitent avoir un bébé, ils font un gros câlin au cours duquel « le papa met la petite graine dans le ventre de la maman ». Cette explication a pour effet de rassurer l’enfant qui sait, par ce biais, qu’il a été désiré. Plus tard, vers l’âge de 6 ans, les parents peuvent simplement dire que lors des relations sexuelles, le pénis du père entre dans le vagin de la mère et que le sperme qui s’écoule du pénis contient les spermatozoïdes qui doivent rencontrer l’ovule pour le féconder. Mais inutile d’être trop technique : l’enfant retient seulement ce que sa capacité de compréhension lui permet d’assimiler.

 

 

 

 

Faut-il parler de plaisir ?
Quand ils ont compris d’où viennent les bébés, les enfants s’interrogent ensuite sur la dimension relationnelle du rapport sexuel : ils demandent comment on fait l’amour, si cela fait mal… Leur parler de plaisir doit être naturel, en leur disant que les adultes font l’amour simplement parce que c’est bon. Cela leur permet de (ré)entendre qu’ils sont le fruit d’un acte d’amour, mais aussi de distinguer progressivement sexualité et reproduction.

 

 

 

Comment réagir à la masturbation et aux jeux sexuels ?
La pratique de la masturbation est très courante dans la petite enfance : elle sert autant à se donner du plaisir qu’à se rassurer. Les parents ne doivent pas l’interdire, car la condamner en culpabilisant l’enfant risquerait d’associer dans leur esprit jouissance et interdit. La meilleure réaction est d’expliquer que ce plaisir est normal mais réservé à l’intimité. Quant aux jeux sexuels, inutile de s’alarmer : en jouant au "docteur", à "touche-pipi" ou à "papa-maman", les enfants veulent juste vérifier ce qu’ils ont cru comprendre. Ces observations mutuelles n’ont rien de répréhensible tant qu’aucun des enfants ne se sent "contraint" de jouer.

 

 

 

 

Les parents doivent-ils éviter de se montrer nus ?
Sans pour autant créer de tabous, mieux vaut effectivement éviter d’afficher sa nudité devant un enfant de plus de 3 ans. Respecter une certaine pudeur est en effet essentiel si l’on ne veut pas le perturber avec un spectacle trop troublant pour son âge. Les parents doivent également refuser de lui céder s’il cherche à toucher leurs seins ou leurs organes génitaux. En repoussant la main, ils peuvent lui expliquer que ces zones n’appartiennent qu’à soi et que lui non plus n’a pas à laisser un autre toucher son sexe.

C’est aussi le bon moment pour poser l’interdit de l’inceste. Plongé en plein complexe d’Œdipe qui le pousse à revendiquer une place qui n’est pas la sienne avec le parent du sexe opposé, l’enfant doit apprendre et comprendre qu’il ne peut pas se marier avec ses parents, ses frères et sœurs ou ses cousin(e)s et que l’on ne doit jamais mélanger les générations en matière de sexe. Cela lui servira aussi de défense inconsciente s’il se retrouve, un jour, face à un pédophile.

 

 

 

A quel âge parler des règles aux petites filles ?
Leurs questions sur ce sujet interviennent entre 6 et 10 ans. Il est important de leur répondre qu’à partir d’un certain âge, le corps des filles se prépare tous les mois à faire des bébés et à devenir femme. On peut alors préciser que lorsque l’enveloppe dans laquelle doit grandir le bébé n’est pas utilisée, elle s’élimine en laissant couler du sang, et que les serviettes hygiéniques ou les tampons sont utilisés pour ne pas salir les vêtements. Vers l’âge de 10 ans, expliquer comment utiliser ces accessoires peut être un bon moyen de préparer les filles à leurs premières règles.

 

 

 

 

Comment aborder la première consultation gynécologique ?
Tous les spécialistes s’accordent à reconnaître que les parents devraient proposer un rendez-vous chez le gynécologue à leur fille dès leurs premières règles. Durant cette visite, l’adolescente pourra en effet aborder librement toutes les questions qui la travaillent. Parce que cette première visite est très souvent appréhendée, mieux vaut conseiller de consulter une femme plutôt qu’un homme, et mieux vaut également que l’adolescente voie un autre gynécologue que celui de sa mère. Cela lui permettra de se sentir davantage en confiance et, surtout, cette précaution opère une coupure symbolique entre la sexualité de la fille et celle de sa mère.

Les parents ne doivent pas oublier que les garçons se posent eux aussi beaucoup de questions sur le fonctionnement de leur sexualité. Il est donc fondamental de leur proposer de rencontrer, dès la puberté, un interlocuteur : médecin de famille, médecin d’un centre de protection maternelle et infantile (PMI) ou du planning familial. z

 

 

 

FAUT-IL PRENDRE LES DEVANTS ?
Quand un enfant ne demande pas d’explications, cela ne signifie pas qu’il ne s’intéresse pas au sujet ou qu’il est déjà suffisamment informé : cette apparente absence de curiosité démontre au contraire qu’il a ressenti une gêne dans son entourage lorsqu’il a voulu en discuter et qu’il préfère donc garder le silence. Dans ce cas, aux parents de se montrer attentifs aux questions indirectes comme : « Ils viennent d’où les bébés chiens ? » S’il ne fait aucune allusion, on peut aborder le sujet en employant des mots justes et adaptés à son âge. L’utilisation d’un petit livre d’éducation sexuelle peut être également un excellent moyen de nouer le dialogue.

 

 

 

 

SUCCES :
“Le Guide du zizi sexuel”

Depuis quelques mois, “Le Guide du zizi sexuel” (Glénat, 2001), de Zep et Hélène Bruller, fait un tabac chez les enfants : 250 000 exemplaires de ce petit manuel d’éducation sexuelle ont déjà été vendus. Secret d’une réussite avec Zep, créateur du célèbre personnage de BD Titeuf.

« C’est en repensant aux questions que je me posais quand j’étais gamin que j’ai décidé de faire ce guide d’éducation sexuelle. A l’époque, j’aurais adoré avoir un bouquin qui m’apporte des réponses simples et claires sur ce que signifiait “sortir avec quelqu’un”, “faire l’amour” ou “être puceau”, comment embrasser une fille sur la bouche ou savoir si l’on est entré dans la puberté… Un jour, je me suis dit que Titeuf, mon personnage de BD, drôle, naïf, culotté et maladroit, était tout indiqué pour répondre à la curiosité sexuelle des 9-13 ans. J’ai également veillé à ce que les dessins, aussi drôles soient-ils, n’éclipsent jamais les explications fournies par des médecins, psychiatres et infirmières scolaires. C’est finalement ce qui doit plaire aux enfants, mais aussi aux parents : depuis la sortie de l’album, beaucoup nous ont écrit pour nous remercier d’avoir fait un livre qui leur sert d’outil de dialogue. A l’heure des explications, il semble que cela soit pour eux un véritable soulagement… »

 

 

 

A LIRE :
“Nos enfants aussi ont un sexe” de Stéphane Clerget.
Un soutien pour aider les parents à expliquer la sexualité aux enfants (Robert Laffont, 2001).

“L’Enfant et sa sexualité” de Christiane Olivier.
Comment aborder le thème de la sexualité dès le plus jeune âge (Fayard, 2001).

“Questions au psy spécial petits” d’Anne Bacus.
Des conseils sur la façon d’élever son enfant (Marabout, 2001).

“Elever mon enfant aujourd’hui” d’Edwige Antier.
Des réponses aux questions des parents sur l’éducation à donner à son enfant (Robert Laffont, 2001).

“Poils partout” de Babette Cole.
Voix qui mue, acné, règles, érection… le tout sur un ton plein d’humour (Le Seuil, 1999).

“Petite Encyclopédie de la vie sexuelle” d’Isabelle Fougère, illustrée par Buster Bone.
L’aspect scientifique et relationnel de la sexualité, en quatre volumes (Hachette Jeunesse, 1998).

 

Retour au sommaire